Il était une fois, il y a bien longtemps, un jeune garçon qui aimait écouter les animaux et parler aux arbres. Souvent il grimpait à la plus haute cime, et perchait au creux du vent ses rêveries et ses pensées. Malgré l'incessante causerie des feuilles et les visites bavardes d'un corbeau intrigué, il croyait être parvenu à quelques conclusions sensées.

Le monde des adultes, cependant, échappait toujours à sa compréhension, avec ses règles inutiles, ses croyances absurdes, ses préoccupations matérielles mesquines. “Tu comprendras quand tu seras grand” répondait-on à ses questions. Il en doutait et n'était de toutes façons pas pressé. En attendant il décida prudemment de rester observateur, dans sa bulle de liberté.

Un jour, il décida de grandir, juste un peu, et d'aller voir au loin, sur les mers et même de l'autre côté. Il voulait constater par lui-même ce qu'était réellement ce monde où les gens s'agitaient, se souciaient tant de travailler pour faire des choses bien souvent inutiles. Il essaya donc de trouver un travail aussi ennuyeux que possible, pour être sûr de bien comprendre. Mais on ne voulut pas de lui à l'usine. Il devint donc technicien, fit des tas de choses sûrement très inutiles mais toujours amusantes. Si bien qu'arrivé à l'âge de la retraite il n'était pas du tout sûr d'avoir réellement “travaillé”...

Au seuil de sa soixante-dix-septième année, le garçon ne se sentait donc guère plus avancé. Ayant cependant constaté l'extraordinaire déraison de l'espèce humaine, son aptitude à dégrader ses propres inventions et détruire tout ce qui l'entoure, il regrettait tout ce temps perdu et aurait bien aimé revenir en arrière, au temps où tout semblait possible, où un destin fantasque multipliait sur son chemin les rencontres et les expériences.

Il décida du moins de le faire en esprit, d'ouvrir les tiroirs du souvenir et parfois de l'imagination, pour simplement s'amuser, faire sourire peut-être le passant qui viendrait à frapper à la porte. Juste pour le plaisir de quelques brèves histoires ...